Introduction
Dans quel contexte s’inscrit ce guide ?
La communication financière des émetteurs est un élément clé de la transparence du marché et constitue une condition essentielle de la confiance des investisseurs, de la crédibilité et de la qualité d’une place financière dans son ensemble. Le cadre de la communication financière – et désormais extra-financière – évolue chaque année et la réglementation européenne et nationale est marquée par une grande hétérogénéité : des règles très précises encadrent en effet certains aspects quand d’autres aspects sont régis par l’application de grands principes appréciés sous la responsabilité de l’émetteur.
Qui réalise ce guide ?
Trois partenaires complémentaires : le cabinet d’avocats Bredin Prat, spécialiste entre autres des questions de droit boursier ; le Cliff, l’association française des professionnels de la communication financière ; et PwC, cabinet de conseil, d’audit et d’expertise juridique et fiscale.
Quel est le contenu de ce guide ?
L’idée générale ayant présidé à l’élaboration de ce guide, édité pour la première fois en 2008 et actualisé chaque année, est de définir le niveau d’information qui doit être communiqué dans le respect de la réglementation, et afin de répondre au mieux aux attentes du marché. Le guide ambitionne de répondre de façon pertinente et concrète aux interrogations de tous ses utilisateurs au quotidien en leur fournissant les réponses essentielles.
Ce guide présente les grands principes et la réglementation dans le cadre desquels s’inscrit la communication financière, et répertorie l’évolution des pratiques, dans le sillage de cette réglementation et face aux exigences croissantes des marchés financiers et, plus généralement, des parties prenantes.
À qui s’adresse ce guide ?
Ce guide a été conçu comme un outil didactique à destination des divers intervenants de la communication financière, dirigeants, responsables des relations avec les investisseurs chez les émetteurs, mais aussi tous les acteurs et intervenants des marchés financiers. Il vise à les aider à prendre, en toute connaissance de cause, les décisions qui s’imposent en matière de communication financière. Ses évolutions au cours des années ont intégré l’élargissement des responsabilités et l’évolution des fonctions au sein des équipes dédiées chez les émetteurs.
Comment utiliser ce guide ?
Une personne novice pourra le parcourir dans sa totalité ; une personne experte y trouvera rapidement les actualisations annuelles, surlignées dans les textes ; une personne souhaitant actualiser ou enrichir ses connaissances sur un sujet spécifique pourra le trouver facilement via les sommaires.
Les nouveautés sont identifiées par un texte surligné
Le mot de...
Marie-Anne Barbat-Layani,
Depuis plusieurs années déjà le guide « Cadre et Pratiques de Communication Financière » accompagne les sociétés cotées dans la pratique de leur communication financière. Ce guide, qui complète ceux publiés par l’AMF, est devenu un outil indispensable pour les responsables des Relations Investisseurs comme pour de nombreux autres acteurs de la communication financière.
Il permet aux sociétés de prendre connaissance des évolutions les plus récentes, notamment en matière d’information extra‑financière, tout en les articulant avec les obligations existantes en matière financière, de gestion de l’information privilégiée et d’information permanente du marché.
Face à l’urgence climatique, les sociétés comme les acteurs des marchés financiers ont désormais l’obligation de produire et publier de nombreuses informations en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG). Ces nouvelles obligations d’information résultent de l’entrée en vigueur progressive, mais rapide, d’un nouveau corpus de réglementations internationales, et surtout européennes. La complexité de la réglementation constitue un défi pour les acteurs qui doivent les mettre en œuvre. Indéniablement, l’Europe a pris une avance importante dans ce domaine, et les risques de fragmentation réglementaires sont donc réels pour les acteurs actifs en Europe et dans d’autres juridictions. Cet enjeu est particulièrement important pour les émetteurs, pour lesquels il s’agit d’écarter le risque d’exigences contradictoires ou redondantes.
Avec l’entrée en vigueur de la directive concernant la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, de nouvelles informations sont attendues des sociétés cotées et des grandes entreprises sur les enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux. Il s’agit pour ces sociétés d’identifier les activités durables, les risques physiques et de transition, ainsi que les incidences sur le modèle d’affaires et la stratégie de l’entreprise, en prenant en considération à la fois l’impact pour la société et pour l‘environnement.
En premier lieu, les sociétés doivent mener une approche dite de double matérialité en prenant en considération les attentes des parties prenantes du groupe ; l'objectif de la collaboration étant de recueillir des avis ou des retours concernant les incidences, risques et opportunités importants(1).
Ensuite, les émetteurs publieront, à compter du 1er janvier 2025, une multiplicité d’informations. Si le nombre de ces informations varie en fonction des caractéristiques propres à l’entreprise et à son secteur, ainsi qu’à sa taille(2), le nombre d’indicateurs à publier est toujours significatif ; les sociétés doivent ainsi mettre en place une gouvernance et un système de reporting solide pour assurer la fiabilité des données(3).
Les indicateurs seront également présentés selon différents horizons de temps, ce qui nécessite de préciser les méthodologies. À cet égard, il est rappelé que l’AMF a publié en février 2024 un guide pédagogique sur les plans de transition climatique des entreprises élaboré par sa Commission Climat et Finance Durable(4) mettant en perspective les attentes des investisseurs, les pratiques et difficultés actuelles des entreprises, ainsi que les attendus des cadres méthodologiques existants. Dans son souci de dialogue constant avec les parties prenantes, l’AMF pourra préciser son approche lorsque nécessaire. L’AMF publiera notamment à l’automne son rapport annuel sur la RSE.
Enfin, l’émetteur devra assurer le lien et la cohérence entre l’information publiée dans le rapport de durabilité et l’information fournie dans les états financiers. Cela sera, par exemple, le cas sur les expositions des entreprises aux risques physiques ou de transition liés au climat, ou sur la part du chiffre d’affaires associé aux activités en risque avec les données des états financiers.
Au-delà du respect de la réglementation, la publication de telles informations permet aux sociétés de mener une véritable réflexion sur leur stratégie, de répondre aux attentes des investisseurs puis de limiter les risques de controverses et d’allégations de greenwashing(5).
Le mot de...
Alexandra Boucheron,
Présidente du Cliff, Directrice des Relations Investisseurs
et de la Communication Financière de Thales
Ces dernières années ont été marquées par de multiples transformations : évolutions règlementaires, changements macro-économiques, crises géopolitiques et sanitaire... Tous ces bouleversements ont un impact direct sur nos métiers. Ils nous conduisent à devoir nous renouveler sans cesse, à être toujours plus proactifs, pluridisciplinaires.
Dans ce contexte, la montée en puissance du domaine extra-financier apparaît plus que jamais comme une tendance de fond. Il fait désormais partie intégrante de la communication auprès des parties prenantes.
En matière de reporting, cette évolution représente évidemment de nouvelles contraintes pour les entreprises. C’est d’abord ainsi qu’a été perçue la transposition en droit français de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), dont l’objectif est de hisser le reporting extra-financier au même niveau que le reporting financier. À cet égard, nous entrons véritablement dans le concret puisque l’AMF a, rappelé, dans ses orientations stratégiques 2023-2027, la nécessité d’amélioration de l’intelligibilité et de l’exhaustivité de l’information financière et extra-financière. L’ESMA a également publié des lignes directrices sur la façon dont les autorités de supervision locales doivent contrôler la mise en œuvre de CSRD.
Mais ces changements constituent également une opportunité pour les entreprises d’adapter leur organisation ainsi que leur stratégie afin d’intégrer pleinement les aspects extra-financiers dans leur business model. Pour les relations investisseurs, c’est aussi l’occasion d’enrichir le contenu des échanges avec les différents interlocuteurs des marchés financiers.
Du reste, les émetteurs ne sont pas les seuls concernés : le fonctionnement des agences de notation extra-financière, acteurs clé de cet écosystème, va être lui aussi impacté par l’entrée en vigueur des normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards). Par ailleurs, les Etats membres et le Parlement européen ont convenu d’un ensemble de règles visant à encadrer leurs activités, dont l’entrée en vigueur est prévue courant 2025.
Parallèlement, certaines réglementations pourraient aussi s’alléger, avec le Listing Act adopté par le Parlement européen en avril 2024. Pour rendre les marchés de capitaux plus attrayants, cette législation prévoit un ensemble de mesures de simplification et comprenant notamment un allègement des conditions de différés de publication ou encore du format des listes d’initiés.
Comme de coutume, vous trouverez, dans cette 17ème édition de notre Guide, les recommandations de l’AMF relatives à l’arrêté des comptes, mettant notamment cette année l'accent sur les effets liés au changement climatique et aux conditions macro-économiques actuelles. Vous pourrez également consulter les mises à jour de différents guides de l’AMF : information périodique, élaboration des prospectus.
Certaines recommandations ont été intégrées s’agissant de la gestion d’informations sensibles. De nouveaux exemples de sanctions de l’AMF ont été ajoutés pour illustrer les conséquences du non-respect des différentes règles. Enfin les exemples de pratiques des émetteurs ont été actualisés et de nouveaux constats, issus de plusieurs enquêtes réalisées auprès des membres du Cliff et benchmarks sur les sociétés du CAC Large 60, ont été ajoutés.
Nous avons aussi cette année procédé à une refonte de la structure de ce Guide : l’ensemble du contenu a été rationalisé pour une approche plus didactique, en fusionnant notamment les pratiques associées avec le cadre réglementaire.
L’évolutivité est un trait fondamental de notre profession, mais nous assistons d’année en année à une forte accélération du rythme du changement. Cette tendance rend nos métiers d’autant plus riches et passionnants. Et elle rend aussi ce guide toujours plus utile. Il permet d’observer combien le cadre imposé et/ou proposé par la réglementation peut être structurant et pragmatique, grâce aux échanges des émetteurs avec les Autorités de marché et à l’attention portée par celles-ci aux pratiques. Par-là, nous espérons contribuer à l’amélioration de la transparence et des pratiques de la Place de Paris.
Objectifs et interlocuteurs
1.1Objectifs de la communication financière
et extra-financière
Afin d’informer au mieux les investisseurs, la communication financière et extra-financière est régie par de grands principes et soumise à un cadre réglementaire très strict. Elle reflète également la volonté des dirigeants d’une entreprise cotée de communiquer régulièrement, en toute transparence, avec professionnalisme et réactivité, avec les différents acteurs des marchés financiers.
Pour ce faire, la Direction générale s’appuie le plus souvent sur une équipe interne dédiée : l’Investor Relations, responsable des Relations Investisseurs, va s’adresser au nom de l’entreprise à la communauté financière (voir ci-après les différentes cibles : page 9, 1.3 « Cibles de la communication financière ») et mettre en place une politique de communication financière adaptée à chacun, dans le respect des principes d’égalité et d’homogénéité de traitement de l’information. Sa mission consiste à créer une relation de confiance avec le marché, en étant une source d’information fiable et pertinente pour faciliter la prise de décision des investisseurs comme du management. Dans un contexte d’exigence accrue, tant sur le plan réglementaire que de la part des marchés, le rôle de l’Investor Relations est central dans la mise en œuvre des objectifs de l’entreprise en matière de communication financière :
- ■faire en sorte, dans ses relations avec l’extérieur, que les acteurs de marché valorisent au mieux l’entreprise dans la durée, en expliquant sa stratégie, son business model, son écosystème et sa performance, tant financière qu’extra-financière, en assurant la cohérence entre ces deux éléments ;
- ■être l’interface centrale entre les acteurs de marché et la société et son management, apportant ainsi une grande valeur ajoutée par la remontée des informations utiles obtenues dans le marché ;
- ■diffuser en interne la culture Investor Relations, particulièrement sur la gestion de l’information privilégiée et l’ensemble du cadre réglementaire ;
- ■s’assurer de la cohérence de toutes les formes de communication de l’entreprise.
1.2Autorités de régulation
1.2.1AMF
L’Autorité des marchés financiers est l’autorité publique indépendante qui régule la place financière française, ses acteurs et les produits d’épargne qui y sont commercialisés.
Elle a été créée par la loi de sécurité financière du 1er août 2003 et résulte de la fusion de la COB (Commission des opérations de Bourse), du CMF (Conseil des Marchés Financiers) et du CDGF (Conseil de discipline de la gestion financière).
- ■à la protection de l’épargne investie dans les instruments financiers donnant lieu à une offre au public ou à une admission aux négociations sur instruments financiers et dans tout autre placement offert au public ;
- ■à l’information des investisseurs ;
- ■au bon fonctionnement des marchés d’instruments financiers.
L’AMF dispose d’un pouvoir réglementaire, de contrôle et de sanction ainsi que d’un pouvoir de décision individuelle.
L’AMF mobilise également aux niveaux européen et international pour faire évoluer la réglementation.
Le Règlement général de l’AMF est un acte normatif de portée générale édicté par l’AMF et publié au Journal officiel de la République française après homologation par arrêté du ministre chargé de l’économie.
- ■les règles de fonctionnement de l’AMF (Livre I) ;
- ■les règles applicables aux émetteurs et à l’information financière (Livre II) ;
- ■les règles applicables aux prestataires (prestataires de service d’investissement, teneurs de comptes/conservateurs, compensateurs, etc.) (Livre III) ;
- ■les règles relatives aux produits d’épargne collective (Livre IV) ;
- ■les règles relatives aux infrastructures de marché (Livre V) ;
- ■les règles relatives aux émetteurs de jetons et prestataires de services sur actifs numériques (Livre VII).
Le Livre VI, relatif aux abus de marché, a été abrogé par l’entrée en vigueur du règlement sur les abus de marché, qui est d’application directe.
L’AMF publie différents textes de doctrine éclairant certaines interprétations des Règlements applicables ou favorise certaines bonnes pratiques à observer. Ces textes respectent une hiérarchie établie.
L’instruction constitue l’interprétation des dispositions du Règlement général de l’AMF et précise leurs modalités d’application ainsi que leurs conditions de mise en œuvre. Elle informe les acteurs de marché des procédures à suivre et des règles à appliquer (1).
La position constitue une interprétation des dispositions législatives et réglementaires entrant dans le champ de compétences de l’AMF. Elle indique la manière dont l’AMF les applique à des cas individuels et est extériorisée dans un souci de transparence et de prévisibilité.
La recommandation est une invitation à adopter un comportement ou à se conformer à une disposition que l’AMF considère comme susceptible de faciliter la réalisation des objectifs, normes ou principes généraux relevant de son champ de compétences. Néanmoins, la recommandation n’exclut pas que d’autres comportements ou dispositions soient également compatibles avec ces normes ou ces principes généraux. Elle ne revêt donc pas de caractère impératif. Toutefois, le fait de se conformer à une recommandation contribue généralement à nourrir une présomption de conformité à la réglementation. Dans certains cas, les dispositions d’une recommandation peuvent, compte tenu des circonstances de l’espèce, constituer l’un des éléments d’appréciation pris en compte dans le traitement d’un cas individuel, par exemple une demande de visa ou d’agrément. Mais d’une manière générale, le non-respect d’une recommandation ne peut, en lui-même, caractériser une violation de la réglementation.
La pratique de marché admise par l’AMF, dont le champ ne concerne que les manipulations de marché, permet d’instaurer une présomption de légitimité à l’égard des acteurs de marché qui s’y conforment.
Au-delà de ces différents supports, l’AMF publie des communiqués qui peuvent constituer des instruments normatifs souples.
Les travaux de la Commission Climat et finance durable, chargée notamment de partager les bonnes pratiques en matière de communication et de transparence ainsi que de fournir des avis sur les projets de rapports ou guides de l’AMF en lien avec la finance durable, peuvent donner lieu à des publications reprises, le cas échéant, par l’AMF.
L'AMF dispose également d'un pouvoir général de sanction, notamment prévu à l'article L. 621-15 du Code monétaire et financier, en vue de protéger les investisseurs et le bon fonctionnement du marché. La Commission des sanctions de l'AMF peut, par exemple, prononcer des sanctions à l'encontre des auteurs de « manquements aux obligations résultant des règlements européens, des dispositions législatives ou réglementaires ou des règles professionnelles visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de marché et la divulgation illicite d'informations privilégiées [...], ou [de] tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs, au bon fonctionnement des marchés ou [de] tout autre manquement aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme », dès lors que ces manquements concernent un instrument financier(2).
Par ailleurs, un manquement aux obligations contenues dans les règlements européens, et donc les règlements délégués ESRS, pourrait également faire l’objet d’une sanction par la Commission des sanctions de l’AMF(3).
Le 18 janvier 2024, l’AMF a publié son plan d’action et ses priorités de supervision pour l’année 2024. Les priorités de supervision portent notamment sur les thématiques suivantes qui intéressent les émetteurs :
- ■déployer une supervision exigeante fondée sur l’analyse des risques,
- ■accompagner les émetteurs en vue de la première publication des rapports de durabilité relatifs à la clôture de l’exercice 2024 dans le contexte d’une première application de la directive CSRD,
- ■contribuer aux travaux sur l’attractivité de la Place financière de Paris, notamment pour les sociétés cotées.
- ■la supervision sur l’identification des risques liés à l’environnement macroéconomique et financier,
- ■l'amélioration de l’intelligibilité et l’exhaustivité de l’information financière et extra‐financière,
- -en accompagnant les émetteurs dans la mise en place des obligations de reporting (y compris extra-financières),
- -en procédant à leur supervision et à leur contrôle,
- -en veillant à la qualité de l’information donnée au marché dans un environnement réglementaire qui sera marqué par l’allègement du nombre et du contenu des prospectus avec l’entrée en vigueur du Listing Act,
- -en assurant la protection des actionnaires minoritaires.
1.3Cibles de la communication financière
et extra-financière
1.3.1Sell-side : analystes et forces de vente
Les analystes financiers sont des personnes physiques ou morales qui exercent l’activité d’analyse financière telle que définie dans le rapport « Relancer la recherche après MIF 2 : constats, enjeux et recommandation »(1), publié par l’AMF.
De manière générale, l’activité d’analyse financière consiste à exploiter et interpréter les données économiques et financières des sociétés cotées, en vue de formuler et de diffuser au public et/ou à des clients un jugement global sur leur situation actuelle et une opinion sur leur évolution prévisible sous forme d’objectifs de cours et de recommandations d’investissement. L’analyste financier est dit sell-side s’il travaille pour une société d’intermédiation boursière et buy-side (voir infra page 10 , 1.3.2 « Buy-Side : analystes, gérants et investisseurs institutionnels ») s’il est rattaché à une activité de gestion de portefeuille.
Depuis la loi de sécurité financière du 1er août 2003, cette activité est encadrée, en France, afin notamment de prévenir les abus de marché (articles 315-1 et suivants du Règlement général de l’AMF). La Directive Abus de marché de 2003 a également renforcé la réglementation applicable aux analystes financiers en édictant des règles destinées à assurer la présentation équitable des recommandations et en rendant obligatoire la mention des éventuels intérêts ou conflits d’intérêts avec l’émetteur.
Les analystes financiers sell-side travaillent au sein de sociétés de Bourse qui appartiennent fréquemment à des réseaux bancaires ou à des banques d’investissement. Ils diffusent leurs études auprès de leurs clients investisseurs institutionnels. Le fait de suivre ou non un émetteur dépend de plusieurs critères : taille de l’équipe d’analystes, stratégie du bureau de recherche, notamment en matière de couverture sectorielle et, le plus souvent, capitalisation boursière de la société cotée et sa liquidité.
Ces analyses, fondées sur des modèles de prévisions de résultats, sont assorties d’une valorisation de l’émetteur concerné avec des objectifs de cours cibles et des recommandations d’achat, de vente ou de conservation des titres. Ces rapports constituent un support marketing sur la base duquel les forces de ventes des sociétés de Bourse proposent à leurs clients investisseurs institutionnels des stratégies d’investissement. Ces stratégies reprennent, en les résumant, les différentes propositions de l’analyste. Il est utile pour l’émetteur de maintenir un contact régulier avec ces forces de vente, dont la capacité de conviction auprès de l’investisseur final influe sur la valorisation du titre.
L’Investor Relations est le point de contact de l’analyste financier dans la société. Il doit s’assurer que celui-ci comprend bien et intègre les fondamentaux de l’industrie, l’environnement concurrentiel, la stratégie, les perspectives et les risques de la société ; il lui signale, le cas échéant, ses erreurs factuelles, tout en respectant scrupuleusement l’indépendance de son opinion.
Certains émetteurs publient un communiqué indiquant l'apparition d'une note d'analyse ou indiquant qu'un nouvel analyste a commencé à les suivre.
Depuis les années 1990, le Cliff et la Société française des analystes financiers (SFAF) ont établi des recommandations, puis une charte commune, réactualisée en 2019, sur les relations entre émetteurs et analystes. Elle est fondée sur quatre principes fondamentaux : responsabilité, intégrité, qualité et égalité d’accès.
Au vu de la réduction de la couverture des analystes financiers sell-side depuis la Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers (MIFID 2), la Commission européenne a intégré le sujet dans sa consultation sur le Listing Act, évoquant notamment le développement de « l’analyse sponsorisée »(2).
Le rapport cité plus haut a été élaboré pour évaluer les répercussions de la réforme MIFID 2(3) sur la production d’analyse financière, constatant que bien que la réforme ait engendré la création d’un marché de l’analyse financière, elle a également affaibli ses capacités de production. Son objectif est donc d’établir un diagnostic sur l’évolution de la recherche et d’explorer les pistes concrètes qui pourraient mobiliser la Place et conduire à améliorer la situation actuelle.
Principes Généraux
2.1Notions d’information périodique, d’information permanente et d’information réglementée
2.1.1Régulation de l’information financière
L’information financière fait l’objet d’une réglementation complète – et souvent complexe – qui distingue principalement (i) « information périodique », (ii) « information permanente » et (iii) « information réglementée », auxquelles il convient d’ajouter (iv) l’information spécifique liée à une opération.
Les émetteurs « valeurs moyennes » (compartiments B et C d’Euronext et d’Euronext Growth) se référeront utilement (i) au vade-mecum de la doctrine de l’AMF à destination des valeurs moyennes pour une présentation des principales règles en matière de communication et d’information financière, publié en novembre 2016, et (ii) au guide publié le 23 octobre 2017 par l’AMF à l’attention des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Ces documents présentent les principales règles boursières et de droit des sociétés qui leur sont applicables. Le guide pratique, organisé par thématique et décliné selon le marché de cotation, aborde notamment les modalités et les délais de publication de l’information financière, la nature des informations à communiquer ou encore les règles relatives au gouvernement d’entreprise(1).
2.2Égalité d’information entre les investisseurs
Afin d’assurer une parfaite égalité d’information entre les investisseurs, l’émetteur qui communique une information privilégiée à un tiers(1), non tenu d’une obligation de confidentialité, doit en assurer une diffusion effective et intégrale. Cette diffusion doit se faire soit simultanément en cas de communication intentionnelle, soit le plus rapidement possible en cas de communication non intentionnelle. Par exemple, l’émetteur est tenu de diffuser publiquement une information confidentielle fournie à un analyste au cours d’un entretien individuel ou au cours d’un roadshow. Ou encore les émetteurs disposant sur leur site Internet d’un espace restreint aux membres de leur club d’actionnaires doivent se montrer particulièrement vigilants sur la nature des informations fournies.
Par ailleurs, dans le même souci d’égalité, l’information diffusée doit être accessible à l’ensemble des investisseurs au même moment afin d’éviter que ne se crée une asymétrie d’information qui avantagerait certains investisseurs au détriment des autres(2).
Ainsi, si l’émetteur ou certaines de ses filiales sont cotés à l’étranger, les informations doivent être diffusées de manière simultanée en France et à l’étranger. Il convient de noter que ce principe doit s’appliquer tant pour la diffusion d’une information par la voie d’un communiqué de presse qu’en cas de notification ou de dépôt d’un document auprès d’une autorité étrangère (par exemple, l’enregistrement du 6-K aux États-Unis).
Il est également recommandé aux émetteurs de diffuser les informations financières en dehors des horaires d’ouverture de la Bourse afin de permettre à l’ensemble des investisseurs d’assimiler l’information diffusée avant la reprise des cotations et d’éviter une variation brutale du cours de Bourse de l’émetteur. La transposition en droit français des dispositions de la Directive sur les marchés d’instruments financiers (« Directive MIF ») a mis fin à l’obligation de concentration des ordres de Bourse sur les marchés réglementés et consacré des modes alternatifs d’exécution des ordres ; cependant, l’essentiel des transactions sur les titres des émetteurs français cotés sur Euronext Paris continue à y être réalisé. Dans ces conditions, les horaires de clôture et d’ouverture de la cotation des titres financiers sur Euronext Paris continuent de constituer un référentiel pertinent pour la publication des informations les concernant par les sociétés françaises et les autres qui y sont cotées. Elles ont toutefois la possibilité de se référer à une autre place de cotation.
En cas de multi-cotation, il est recommandé à l’émetteur d’adapter sa politique de diffusion pour éviter de divulguer des faits nouveaux importants pendant que le marché est ouvert.
Enfin, pour préserver le principe d’égalité d’information des investisseurs, en cas de participation significative de l’émetteur dans une autre société cotée ou d’une filiale cotée, il importe que les calendriers de communication de l’émetteur et de celles-ci soient coordonnés (voir page 35, 3.1.4 « Coordination des calendriers »).
2.3Homogénéité de l’information
En vertu du principe d’homogénéité de l’information, l’opportunité de communiquer une information doit être appréciée par l’émetteur en fonction de ses pratiques antérieures et de l’historique de ses communications afin d’éviter d’induire en erreur les investisseurs.
En particulier, l’émetteur doit réserver un traitement identique, en termes de communication, aux informations susceptibles d’impacter le cours de son titre à la hausse et à la baisse.
L’émetteur doit également s’assurer de la cohérence de l’ensemble des informations qu’il diffuse, quels que soient la date, le support et les destinataires de la diffusion. En particulier, l’information financière diffusée par voie de presse écrite doit être cohérente avec les informations diffusées par voie électronique. Cette exigence de cohérence implique la mise en place par l’émetteur, au niveau du Groupe, d’un contrôle préalable et d’une centralisation de l’information diffusée. De même, l’émetteur doit veiller à la cohérence entre les informations financières et celles en matière de durabilité qu’il diffuse, notamment en ce qui concerne la manière dont les enjeux liés au climat sont pris en compte dans ses états financiers(1). Enfin, si l’émetteur choisit de communiquer des indicateurs en complément de ceux directement issus de ses états financiers (indicateurs alternatifs de performance) ou une information sectorielle, il devra s’assurer de leur cohérence dans le temps. Elle peut évoluer en fonction des changements stratégiques opérés par l’émetteur, mais doit être expliquée dans l’ensemble des supports de cette information(2).
2.4Information exacte, précise et sincère
L’information délivrée au public par les émetteurs doit être exacte, précise et sincère(1). Ces exigences s’appliquent tant aux informations dont la communication est obligatoire au titre de la réglementation qu’aux informations communiquées par l’émetteur sur une base purement volontaire. En effet, les émetteurs doivent se conformer à d’autres grands principes en matière de communication financière, en plus des principes spécifiquement liés à la publication des informations privilégiées(2).
L’exactitude, la précision et la sincérité des informations s’apprécient à la date de leur communication.
Pour qu’elle soit précise, l’émetteur doit fournir, de façon univoque, l’ensemble des éléments relatifs à l’événement qui fait l’objet de la communication, afin de permettre au marché d’apprécier l’impact de cet événement sur la situation et les perspectives de l’émetteur. La précision diffère de l’exactitude : une information, en elle-même exacte, pourrait être imprécise si l’émetteur omet de communiquer une autre information ou un élément d’information qui aurait été susceptible de modifier l’appréciation de sa situation par le marché(3). L’information doit faire mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui se sont produits ou dont on peut raisonnablement penser qu’ils se produiront. La mention doit être suffisamment précise pour que l’on puisse en tirer une conclusion quant à l’effet possible de cet ensemble de circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers ou des instruments financiers dérivés qui leur sont liés, des contrats au comptant sur matières premières qui leur sont liés ou des produits mis aux enchères basés sur les quotas d’émission. Ces circonstances ou événements peuvent avoir un caractère financier, stratégique, technique, organisationnel ou encore juridique. La Commission des sanctions de l’AMF est récemment venue rappeler qu’en matière de projet de prise de contrôle de société, « le caractère précis d’une information sur un projet d’offre publique est établi dès que ce projet est suffisamment défini entre les parties pour avoir des chances raisonnables d’aboutir » (AMF, Commission des sanctions, 3 août 2021, SAN-2021-15, Safran/Zodiac). Dans la décision précitée, l’AMF souligne également qu’une étape intermédiaire d’un processus ou d’une opération étalée dans le temps peut être considérée en elle-même comme une information privilégiée, dans la droite ligne de la jurisprudence Daimler (CJUE, 28 juin 2012, Markus Gelt v. Daimler AG, Aff. C-19/11), désormais intégrée à l’article 7 du Règlement Abus de marché.
Cependant, la seule imprécision d’une information n’est pas en elle-même constitutive d’un manquement(4). En effet, en application des articles 12 et 15 du Règlement Abus de marché, lesquels constituent désormais le fondement réprimant les manquements à la qualité de l’information communiquée au public, deux éléments constitutifs supplémentaires sont requis : (i) la circonstance « que les informations litigieuses donnent ou soient susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses », « en ce qui concerne l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier [...] ou fixent ou soient susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers » et (ii) l’exigence d’une « connaissance, avérée ou supposée, du caractère faux ou trompeur de l’information diffusée ».
L’information divulguée par l’émetteur doit être sincère : tous les éléments afférents à l’information considérée doivent être communiqués, qu’ils soient positifs et/ou négatifs. Ceci rejoint le principe d’homogénéité de l’information précédemment énoncé.
2.5Obligation de communiquer au marché les « informations privilégiées »
2.5.1Qualifier l’information privilégiée
En matière d’information périodique, ou lorsque la réglementation prévoit spécifiquement une situation dans laquelle un émetteur doit communiquer, l’obligation de communiquer repose sur un ou plusieurs critères objectifs ne laissant place à aucune appréciation de la part de l’émetteur. Par exemple, l’émetteur doit publier un rapport financier annuel au titre de chaque exercice social (information périodique) ou encore publier un prospectus en cas d’offre au public ou d’admission aux négociations sur un marché réglementé, sous réserve des cas d’exemption.
À l’inverse, en matière d’information permanente, il est de la responsabilité de l’émetteur de déterminer s’il est tenu ou non de communiquer une information au public en application des principes contenus dans le Règlement Abus de marché. En conséquence, l’AMF recommande aux émetteurs de disposer de procédures internes (voir page 35, 3.2 « Organisation dans l'entreprise ») leur permettant d’évaluer si une information est de nature privilégiée ou non(1).
L’article 7 du Règlement Abus de marché définit une information privilégiée comme étant une information à caractère précis qui n’a pas été rendue publique. Cette information concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs, ou un ou plusieurs instruments financiers. Si elle était rendue publique, elle serait susceptible d’influencer de manière sensible le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés. Un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser cette information comme faisant partie des fondements de ses décisions d’investissement.
La Cour de justice de l’Union européenne a par ailleurs précisé dans un arrêt du 11 mars 2015 (C-628/13) qu’une information pouvait revêtir un caractère précis quand bien même le sens de la variation du cours des instruments financiers concernés ne pouvait être déterminé avec un degré de probabilité suffisant. Prise à la lettre, cette décision a consacré un élargissement non négligeable du champ de l’obligation d’information permanente. Par ailleurs, la Cour de justice a affirmé, à cette occasion, que la définition de l’information privilégiée est la même selon qu’il s’agisse d’appliquer l’obligation de publication ou l’obligation d’abstention (opération d’initié).
L’AMF a rappelé les bonnes pratiques à adopter en cas de doute sur le caractère privilégié d’une information détenue par une société cotée, par exemple lorsque la société est confrontée à une accumulation de dysfonctionnements affectant son activité.
Dans une telle situation, et afin d’assurer un égal accès et une correcte information des investisseurs, l’AMF encourage les émetteurs à communiquer au plus tôt l’information en cause. Une telle publication sera utilement accompagnée de précisions quant aux moyens déployés pour remédier aux dysfonctionnements, puis d’une mise à jour régulière quant à l’état d’avancement de la situation.
L’AMF a également rappelé l’importance qui s’attache non seulement à la bonne information des investisseurs, mais aussi aux mesures que les émetteurs doivent prendre afin que leurs salariés ne divulguent pas et n’utilisent pas à des fins personnelles les informations dont ils ont pris connaissance dans le cadre de leurs fonctions. La formation de l’ensemble des salariés d’un émetteur constitue dans ce cadre l’un des moyens permettant de prévenir d’éventuelles opérations d’initiés(2) (voir page 35, 3.2 « Organisation dans l'entreprise »).
Enfin, il convient de noter qu’une jurisprudence récente du Conseil d’État a décidé que les travaux et estimations de bureaux d’analystes et de recherche reconnus pouvaient, dans certains cas, revêtir le caractère d’une information privilégiée(3).
2.6Diffusion effective et intégrale
2.6.1Diffusion par voie électronique
L’AMF a publié un Guide pratique relatif au dépôt de l’information réglementée et à sa diffusion, mis à jour le 6 décembre 2021.
L’émetteur doit s’assurer de la diffusion effective et intégrale de l’information réglementée le concernant, à l’exception des informations relatives aux franchissements de seuils dont la diffusion est assurée par l’AMF elle-même(1).
La diffusion de l’information réglementée doit être réalisée par voie électronique, conformément aux principes définis par le Règlement général de l’AMF qui impose une diffusion permettant d’atteindre un public aussi large que possible, dans des délais aussi courts que possible et selon des modalités garantissant l’intégrité de l’information. Pour ce faire, les émetteurs peuvent, à leur discrétion, choisir de diffuser eux-mêmes l’information réglementée ou décider de recourir aux services d’un diffuseur professionnel figurant sur une liste publiée par l’AMF, auquel cas ils sont présumés satisfaire à leur obligation de diffusion effective et intégrale(2).
Dans cette perspective d’accessibilité, l’AMF recommande également de rappeler l’existence des différents comptes des émetteurs sur les réseaux sociaux sur leur site Internet, dans une rubrique ad hoc visible dès la page d’accueil du site de la société ou la page d’accueil de la rubrique « finance » ou « investisseurs ». Les comptes corporate de l’émetteur et de ses principales filiales doivent être bien identifiés comme tels(3).
Les émetteurs doivent, enfin, déposer l’information réglementée auprès de l’AMF sous format électronique, via l’extranet ONDE, simultanément à sa diffusion au public, sauf lorsque l’émetteur a recours à un diffuseur professionnel inscrit sur une liste publiée par l’AMF, ce dernier se chargeant directement de ce dépôt auprès de l’AMF. Les émetteurs n’ont plus l’obligation de procéder à une communication financière par voie de presse écrite(4). L’AMF recommande néanmoins de procéder à une telle communication selon le rythme et les modalités de présentation que les émetteurs estiment adaptés au type de titres financiers émis, à leur actionnariat et à leur taille(5).
Les émetteurs dont les titres sont admis ou font l’objet d’une demande d’admission sur Euronext Growth doivent aussi s’assurer de la diffusion effective et intégrale de l’information réglementée selon les mêmes modalités que les émetteurs cotés sur Euronext Paris(6). Il en est de même pour les émetteurs dont les titres sont inscrits sur Euronext Access (ou dont l’admission a été demandée). Notons que la Commission des sanctions de l’AMF a pu estimer que diffuser une information au détour d’un projet de résolution dans un avis de réunion du BALO(7) ne permet pas de considérer que l’information a été portée à la connaissance du public(8).
2.7Archivage
2.7.1Site Internet de l’émetteur
Depuis le 1er janvier 2011 et la transposition de la Directive 2007/36/CE relative à l’exercice de certains droits par les actionnaires des sociétés cotées, celles-ci doivent disposer d’un site Internet. Les émetteurs sont tenus d’afficher sur leur site Internet l’information réglementée dès sa diffusion(1).
Les obligations d’archivage de la Directive Transparence requièrent que les rapports financiers annuels et semestriels, ainsi que le rapport sur les sommes versées aux gouvernements(2) restent à la disposition du public pendant dix ans. Les émetteurs doivent également respecter les obligations de l’article 17.1 du Règlement Abus de marché qui exige de conserver sur le site Internet, pour une période d’au moins cinq ans, toutes les informations privilégiées publiées.
La majorité des sociétés propose sur leur site un espace plus particulièrement dédié à la communication financière, généralement intitulé « Finance », « Investisseurs » ou « Actionnaires ». Cette section est soumise à une réglementation précise en matière de contenu et de mise à jour en temps réel avec les autres modes de publication de l’entreprise. L’AMF a en effet publié le 26 octobre 2016 une recommandation dans laquelle elle rappelle qu’il est essentiel que l’information publiée sur les sites Internet corporate soit complète, équilibrée dans sa présentation, facile d’accès et archivée pendant un délai adéquat(3). Elle rappelle également que l’exigence réglementaire d’une information exacte, précise et sincère s’applique aux informations diffusées sur le site Internet des émetteurs.
Afin d’accompagner les sociétés dans la gestion de leur site Internet, l’AMF a par ailleurs formulé un certain nombre de bonnes pratiques dont elle recommande l’application :
- ■accessibilité à l’information publiée : l’AMF recommande de limiter le nombre de clics pour avoir accès à l’information (utilisation de menus déroulants, adoption d’une pratique de liens précis avec le lieu où se trouve l’information recherchée, etc.) et de faciliter l’accès aux informations les plus consultées par les investisseurs (établissement d’un glossaire recensant les mots-clés les plus souvent utilisés, rendre directement accessibles sur le site principal de la société les rubriques « Investisseurs » ou « Actionnaires » et leurs sous-rubriques, etc.) ;
- ■mise à jour des informations figurant sur le site Internet et ses modalités : l’AMF recommande de dater, voire d’horodater (par exemple, en heure GMT) les informations les plus sensibles afin de permettre au lecteur d’en identifier la séquence et donc le degré de pertinence. Elle recommande notamment cette pratique lorsque les sociétés publient sur leur site les notes des agences de notation, les notes d’analyse ou le consensus les concernant. Elle préconise également de mettre en place des procédures permettant de répondre à l’obligation de synchronisation de la diffusion des communiqués à la presse et leur publication sur leur site ;
- ■archivage des informations publiées : il est recommandé de prévoir un temps d’archivage suffisamment long pour les informations sensibles non constitutives d’une information privilégiée (informations réglementées, informations des Assemblées générales), d’adopter une politique stable et harmonisée dans le temps par type d’information afin de respecter le principe d’information sincère et de renvoyer au site centralisé d’archivage national pour les informations qui ne sont plus en ligne.
Par ailleurs, on observe les pratiques suivantes au sein des sites Internet des sociétés cotées qui visent à :
- ■faciliter l’accès au calendrier financier à jour et au dernier communiqué de presse ;
- ■présenter le cours de Bourse, quasiment en temps réel, ainsi que l’historique des données boursières (cours le plus haut, cours le plus bas, volume de transactions, évolution des performances, etc.) ;
- ■privilégier des libellés et des textes compréhensibles et conviviaux ;
- ■prévoir, éventuellement, un glossaire et une « FAQ » sur les questions les plus courantes ;
- ■inclure la possibilité de contacter la Direction de la Communication financière (adresse électronique, coordonnées téléphoniques) ;
- ■proposer un moteur de recherche efficient et des fonctionnalités techniques (inscription à des alertes ou à la réception de documents, liens vers des réseaux sociaux, etc.) ;
- ■sensibiliser les équipes informatiques à la nécessité de mettre en place une architecture qui facilite la maintenance et la mise à jour de l’information financière ;
- ■plus généralement, faciliter l’accès au site selon d’autres modes d’accès que l’ordinateur (smartphone, tablette) grâce à une ergonomie ad hoc.
2.8Langue
2.8.1Harmonisation européenne
L’internationalisation des marchés financiers avec une base actionnariale géographiquement diversifiée, la cotation de certains émetteurs sur plusieurs marchés (multi-cotation) ou encore la réalisation d’opérations financières transfrontalières ont posé la question du régime linguistique des documents d’information publiés par les émetteurs.
La nécessité de procéder à une traduction de ces documents peut constituer une contrainte importante pour les émetteurs et freiner leur accès aux places financières étrangères. Dans le même temps, afin d’assurer la bonne information des investisseurs, il est nécessaire que les informations diffusées par un émetteur sur une place financière le soient dans une langue accessible et compréhensible par les investisseurs concernés.
Afin de favoriser la circulation des capitaux au sein de l’Union européenne et de l’Espace économique européen tout en garantissant la bonne information des investisseurs, le législateur européen est venu harmoniser le régime linguistique des différents documents d’information publiés par les émetteurs.
Cadre réglementaire et pratiques associées
3.1Calendrier
3.1.1Obligations légales
Le calendrier de la communication financière est déterminé par les obligations légales de publication, détaillées ci-après, et par les capacités des systèmes d’information des entreprises à fournir dans un délai donné une information chiffrée exacte, précise et sincère.
Calendrier réglementaire de communication financière pour un exercice clos le 31 décembre
Information |
Date limite |
---|---|
Chiffre d’affaires du 4e trimestre (facultatif) et de l’exercice N-1 |
fin février |
Résultats de l’exercice |
30 avril |
Information financière trimestrielle (1er trimestre) (facultatif) |
15 mai |
Assemblée générale annuelle |
30 juin |
Chiffre d’affaires du 2e trimestre et du 1er semestre (facultatif) |
15 août |
Résultats du 1er semestre |
30 septembre |
Information financière trimestrielle (3e trimestre) (facultatif) |
15 novembre |
Au calendrier périodique, il pourra convenir d’ajouter un calendrier spécifique, en particulier dans le cadre d’une opération financière. Ce dernier sera publié de manière à informer des étapes de l’opération : engagements juridiques, autorisation du Conseil, information auprès des Instances Représentatives du Personnel, etc.
3.2Organisation dans l’entreprise
3.2.1Validation des informations dans l’entreprise
L’existence d’un Comité de validation des informations avant publication, composé généralement de représentants de la Direction générale, de la Direction financière, de la Direction juridique, de la Direction de la Communication (relations presse) et de l’Investor Relations, permet de valider l’information à publier et d’assurer sa cohérence. De plus, afin de répondre aux exigences du Règlement Abus de marché (voir page 21, 2.5 « Obligation de communiquer au marché les informations privilégiées »), un « Comité Information Privilégiée » peut être composé des mêmes représentants, chargés d’identifier les informations privilégiées et de décider de leur publication immédiate ou différée ; dans ce second cas, ce Comité devra s’assurer du respect des trois conditions requises pour le différé et du suivi des obligations afférentes (voir page 22, 2.5.2 « Communiquer dès que possible » et page 25, 2.5.5 « Tenir des listes d’initiés »). Selon le Baromètre Cliff 2021 sur les fonctions IR, 70% des entreprises disposent d'un tel comité.
3.3Publications périodiques
3.3.1Enjeu des publications périodiques
Les publications périodiques constituent les rendez-vous incontournables de la communication financière des émetteurs. C’est en effet lors de ces publications que l’entreprise cotée transmet, par différents moyens, de nombreuses informations sur sa stratégie, ses marchés, ses performances financières et extra-financières ainsi que leur traduction dans ses comptes et dans sa vie sociale. C’est sur la base de cette information que se fonde en grande partie l’analyse des émetteurs par les acteurs des marchés financiers. Pour que celle-ci soit aussi pertinente que possible, il est essentiel, pour l’entreprise cotée, d’aider ces acteurs dans leur travail d’analyse et de compréhension de son modèle économique.
À cette fin, les entités dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé sont tenues de mettre en place un Comité spécialisé chargé notamment du suivi de l’élaboration de l’information financière. Il s’agit en pratique du Comité d’audit (voir page 54, 3.3.7.3.2 « Comités spécialisés »).
L’AMF a publié un Guide de l’information périodique des sociétés cotées(1) qui reprend les principales obligations des émetteurs en matière d’information financière applicable aux émetteurs cotés sur Euronext Paris avec une section dédiée à Euronext Growth et Euronext Access.
3.4Information permanente
3.4.1Composition des organes de direction, d’administration ou de surveillance
3.4.1.1Nomination, révocation ou démission d’un membre du Conseil d’administration ou de surveillance
En principe, la communication relative à la composition du Conseil d’administration ou du Conseil de surveillance est effectuée dans le cadre de l’information périodique (cette information est en effet incluse dans le rapport sur le gouvernement d’entreprise joint au rapport de gestion). Pour mémoire, le rapport sur le gouvernement d’entreprise peut être incorporé au sein de l’URD(1).
Dans le cas où l’émetteur anticiperait cette communication, son communiqué de presse présentera la personne concernée, les principales fonctions qu’elle exerce et, éventuellement, expliquera le motif de sa nomination, de sa révocation ou de sa démission. Le plus souvent, les émetteurs ne diffusaient un tel communiqué que lorsqu’il s’agit du Président du Conseil ou d’un membre du Conseil représentant un actionnaire stratégique, l’administrateur référent, ou encore de l’expert en matière financière ou comptable du Comité d’audit.
En cas de proposition par les organes dirigeants d’une nomination à l’Assemblée générale, le communiqué de presse peut être publié à l’issue du Conseil d’administration ou du Conseil de surveillance, selon le cas, ou au plus tard lors de la publication de la résolution de l’Assemblée générale.
En cas de cooptation par le Conseil d’administration ou le Conseil de surveillance ou de démission, le communiqué éventuel serait publié à l’issue du Conseil d’administration ou du Conseil de surveillance qui a procédé à la cooptation ou au cours duquel la démission est intervenue. On constate en effet qu’un tel communiqué n’est pas systématiquement publié par les émetteurs.
En cas de révocation du dirigeant décidée par l’Assemblée générale, la communication doit avoir lieu à l’issue de l’Assemblée générale qui a décidé la révocation.
Désormais l’AMF recommande en particulier aux sociétés de s’interroger systématiquement sur le caractère privilégié de l’information relative à la démission d’un administrateur et de la nécessité d’une communication au marché par voie de diffusion effective et intégrale, une telle information pouvant avoir un impact sur le cours, notamment lorsque ce départ intervient dans un contexte de désaccord stratégique.(2)
Notons que l’AMF est particulièrement vigilante, dans ses rapports sur le gouvernement d’entreprise à la qualification d’indépendant des membres du Conseil d’administration ou de surveillance.
3.4.1.2Nomination, révocation ou démission d’un membre de la Direction générale ou du Directoire
La communication portant sur la personne du directeur général ou des membres du Directoire est effectuée dans le cadre de l’information périodique (cette information est en effet incluse dans l’URD et dans le rapport sur le gouvernement d’entreprise prévu par l’article L. 225-37 du Code de commerce).
Une communication immédiate au marché par l’émetteur paraît toutefois nécessaire dès la nomination, la démission ou la révocation du directeur général ou d’un membre du Directoire.
En pratique, en cas de nomination, le communiqué de presse diffusé par l’émetteur indique les principales fonctions exercées par le directeur général ou le membre du Directoire, peut rappeler les étapes de sa carrière professionnelle et le contexte de la nomination, révocation ou démission.
3.4.1.3Mise en examen, implication ou condamnation d’un dirigeant dans une affaire judiciaire
L’information relative aux éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à l’encontre d’un dirigeant est en principe communiquée dans l’URD(3).
Par ailleurs, lorsqu’un dirigeant fait l’objet d’une mise en examen ou, plus généralement, se trouve impliqué dans une affaire judiciaire, l’émetteur apprécie la nécessité ou l’opportunité d’une communication au marché. Sa décision sera fonction de savoir si l’implication du dirigeant est susceptible d’avoir des conséquences sur sa capacité à poursuivre l’exercice de ses fonctions ou sur l’activité de l’émetteur.
3.5Document d’enregistrement universel
3.5.1Définition de l’URD
Les émetteurs dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation organisé (art. 524-1 du Règlement général de l’AMF) peuvent établir, chaque année, un document d’enregistrement universel (Universal registration document ou URD)(1). L’URD remplace, suite au Règlement (UE) 2017/1129 du 14 juin 2017 (le Règlement « Prospectus 3 ») abrogeant la Directive Prospectus, le document de référence français depuis le 21 juillet 2019.
L’URD est un document de synthèse qui constitue un outil de communication en donnant aux différentes parties prenantes (analystes financiers, investisseurs, actionnaires individuels, etc.) tous les éléments nécessaires pour fonder leur jugement sur l’activité, la situation financière, les résultats et les perspectives de l’émetteur. En effet, il contient l’ensemble des informations juridiques, économiques, financières, comptables et extra-financières concourant à une présentation exhaustive d’une société pour un exercice donné.
Bien que l’URD soit facultatif, il constitue une pratique courante puisqu’il est préparé par plus de la moitié des sociétés cotées sur Euronext Paris et il peut désormais être établi par les sociétés cotées sur Euronext Growth Paris. En effet, ce document présente plusieurs avantages.
D’une part, l’URD permet de faciliter les opérations financières sur le marché. Il pourra être incorporé par référence – sous réserve de son actualisation – au prospectus diffusé en cas d’offre au public ou demande d’admission de titres financiers sur un marché réglementé. L’établissement d’un URD permet ainsi de faciliter ces opérations et d’en accélérer le calendrier de réalisation.
Le processus de préparation du prospectus est ainsi accéléré et le délai d’approbation du prospectus est réduit à cinq jours(2).
D’autre part, l’URD permet de répondre aux exigences de qualité de l’information exprimées par la communauté financière et l’ensemble des parties prenantes :
- ■les analystes financiers y trouvent une information facilitant les comparaisons sectorielles et pluriannuelles ;
- ■les analystes ISR y trouvent une série d’informations et d’indicateurs extra-financiers ;
- ■les investisseurs institutionnels apprécient de recourir à ce type de document de synthèse ;
- ■les actionnaires individuels, les journalistes et les académiques s’y procurent une source d’informations exhaustive et à jour sur l’entreprise.
La préparation de l’URD est néanmoins un exercice difficile et de longue haleine. Du fait du volume important d’informations à fournir et la multiplicité des sources réglementaires, sa préparation nécessite la mobilisation de plusieurs fonctions au sein de l’entreprise ainsi que la mise en place d’un processus coordonné de préparation, relecture, contrôle et validation du document.
3.6Assemblée générale
3.6.1Objet
L’Assemblée générale est une réunion privée qui rassemble au moins une fois par an l’ensemble des actionnaires de la société.
- ■L’Assemblée générale ordinaire (AGO) doit avoir lieu dans les six mois qui suivent la clôture de l’exercice social : elle est l’occasion pour les instances dirigeantes de rendre compte de leur gestion. Les actionnaires statuent sur les comptes, la fixation du dividende et, périodiquement, les nominations ou renouvellements des instances dirigeantes.
- ■L’Assemblée générale extraordinaire (AGE) peut être convoquée à tout moment pour la prise d’une décision entraînant notamment une modification des statuts ou pour solliciter l’autorisation d’augmenter le capital social par le biais d’émission de titres.
- ■Une Assemblée générale mixte (AGM) combine les deux précédentes à une même date.
Pour délibérer valablement, l’Assemblée doit comporter des actionnaires présents ou représentés représentant un certain nombre d’actions et de droits de vote (quorum). Le quorum requis sur première convocation de l’Assemblée générale ordinaire est de 20 % des actions ayant le droit de vote ; sur deuxième convocation, aucun quorum n’est requis(1). Le quorum requis sur première convocation de l’Assemblée générale extraordinaire est de 25 % des actions ayant le droit de vote et de 20 % sur seconde convocation(2). Dans les sociétés n’ayant pas fait d’offre au public, et dont aucun titre n’est admis aux négociations sur un marché réglementé, les statuts peuvent prévoir un quorum plus élevé.
Par ailleurs, les conditions de majorité requises pour adopter une résolution varient selon qu’il s’agit d’une décision relevant de la compétence de l’AGO ou de l’AGE. Les décisions relevant de la compétence de l’AGO sont prises à la majorité simple des actions présentes ou représentées (i.e. 50 % plus une voix). Les décisions relevant de la compétence de l’AGE sont prises à la majorité des 2/3 des actions présentes ou représentées.
La finalité de l’Assemblée générale annuelle a évolué avec le temps : l’exercice purement juridique est aussi devenu une occasion de rencontrer le management, un lieu d’expression des actionnaires institutionnels et privés et de dialogue actionnarial où se rejoignent communication financière et communication institutionnelle.
En marge de la préparation pratique de l’Assemblée générale, les Investor Relations sont de plus en plus impliqués dans la communication sur la gouvernance de l’entreprise, notamment par le biais d’entretiens ponctuels avec les agences de proxy advisors ainsi que par la réalisation de roadshows dédiés auprès d’analystes et d’investisseurs spécialisés.
Une consultation ciblée a été récemment lancée à l’initiative de la Commission européenne afin d’évaluer la mise en œuvre effective de certains éléments de la Directive européenne sur les droits des actionnaires, notamment ceux liés aux assemblées générales. Cette consultation pourrait donner lieu à la formulation, par la Commission européenne, de recommandations en vue de faire évoluer à l’avenir certaines dispositions de la Directive.
3.7Opérations de fusions-acquisitions
3.7.1Acquisition et cession
3.7.1.1Existence de négociations et signature d’une lettre d’intention ou d’un document précontractuel
Lorsque l’émetteur est en cours de négociations avec un tiers, en vue d’une opération d’acquisition ou de cession, il apprécie si une communication dès que possible au marché est nécessaire ou opportune, au regard du caractère significatif ou non de cette opération (le caractère significatif de l’opération étant apprécié notamment en considération des critères développés dans le sous-cas intitulé « Signature de l’accord ferme »). Le critère d’appréciation demeure l’existence ou non d’une information privilégiée et notamment son caractère suffisamment précis. Il convient à ce titre de relever qu’une étape intermédiaire d’un processus ou d’une opération étalée dans le temps peut être considérée en elle-même comme une information privilégiée. Dans un cas récent, la Commission des sanctions de l’AMF a considéré que le projet d’offre (par opposition à l’offre elle-même) était suffisamment précis dès l’initiation de discussions avec les banques, sans attendre le moment de la prise de contact avec la contrepartie vendeuse ni l’obtention du financement nécessaire à l’acquisition(1).
Si l’information revêt un caractère privilégié, l’émetteur pourra décider d’appliquer les règles du différé de communication d’une information privilégiée. Si les conditions de différé d’information ne sont plus réunies, notamment lorsqu’il n’est plus en mesure d’assurer la confidentialité de cette information, il publie dès que possible.
Lorsque l’opération ne présente pas de caractère significatif, la communication de l’émetteur sur l’existence de négociations est facultative et s’effectue à son entière discrétion.
Si l’émetteur estime qu’une communication immédiate au marché est nécessaire ou opportune, la communication de l’émetteur indique en pratique l’objet des négociations, l’état d’avancement des négociations ainsi que le nom du partenaire.
Dans le cadre d’un projet de « Listing Act », le Parlement européen et le Conseil a récemment arrêté sa position concernant une proposition de Règlement européen dont l’article 2 prévoit plusieurs modifications du règlement Abus de marché. S’agissant de l’obligation de publier dès que possible une information privilégiée, la proposition de Règlement modificatif prévoit que « dans le cadre d'un processus en plusieurs étapes, seuls les circonstances finales ou l'événement final doivent être divulgués, dès que possible après qu'ils se sont produits », à l’exclusion des informations privilégiées relatives à ses « étapes intermédiaires ». La Commission précise que l'obligation de publication ne devrait pas couvrir les annonces de simples intentions, les négociations en cours ou, selon les circonstances, l'état d'avancement des négociations (telle qu'une réunion entre représentants de la société). En effet, lorsque des informations sont publiées à un stade très précoce et sont de nature préliminaire, elles pourraient induire les investisseurs en erreur, au lieu de contribuer à une formation efficace des prix et de remédier aux asymétries d'information.
Sous réserve de l'adoption définitive des dispositions susvisées relatives aux étapes intermédiaires, en cas de signature d’un document précontractuel (protocole d’accord, lettre d’intention, etc.), la communication de l’émetteur peut, dans certains cas, contenir une synthèse des éléments clés de l’accord ainsi que les éventuelles étapes futures ou conditions suspensives devant se réaliser préalablement à la conclusion d’un accord ferme ou la mise en œuvre de l’opération, lorsque l’émetteur estime que la communication de ces éléments au marché est nécessaire ou opportune.
3.7.1.1.1Data room
L’AMF encadre, dans sa position-recommandation n° 2016-08 (§ 3.2), les modalités de transmission d’informations privilégiées préalablement à des opérations de cession de participations significatives dans des sociétés cotées sur un marché réglementé (procédures dites de data room)(2). L’AMF recommande que les procédures de data room ne donnent accès à des informations privilégiées que si cet accès est strictement nécessaire à l’information des participants pour les besoins de l’opération concernée et que l’accès à toute data room soit réservé aux signataires d’une lettre d’intention témoignant de leur intention de réaliser une opération financière et du sérieux de leur projet, en particulier de leur capacité à financer celui-ci.
Préalablement à l’ouverture d’une procédure de data room, chacun des participants devrait signer un engagement de confidentialité destiné à prévenir tout risque de divulgation et d’exploitation d’information privilégiée. Lorsque des informations communiquées dans le cadre de la data room deviennent privilégiées pendant qu’elle est ouverte, l’émetteur est tenu soit de la rendre publique, soit de la différer dans le respect des conditions requises par le Règlement Abus de marché (voir page 21, 2.5 « Obligation de communiquer au marché les “informations privilégiées” »). Afin de rétablir le principe d’égalité d’accès à l’information à l’occasion d’une opération financière, l’AMF attend également des émetteurs qu’ils publient, dans le prospectus ou la note d’information, toute information privilégiée transmise dans le cadre d’une data room entre le ou les investisseurs futurs et la société, étant précisé qu’une telle communication ne suffit pas à décharger l’émetteur de diffuser l’information privilégiée, conformément aux conditions requises par l’article 17.1 du Règlement Abus de marché. L’AMF précise que dans l’hypothèse d’une data room intervenant lors d’une offre publique, et dans le cas d’offres concurrentes, l’émetteur devrait organiser l’accès de tous les compétiteurs aux informations contenues dans la data room et conclure avec chacun un accord de confidentialité. L’AMF recommande enfin aux émetteurs de limiter la mise en place de data room donnant lieu ou pouvant donner lieu à la transmission d’informations privilégiées aux seules opérations significatives.
Dans une décision de la Commission des sanctions, il a pu être relevé que l’ouverture d’une data room constituait un élément de contexte ayant conduit, avec d’autres, à caractériser l’existence d’une information privilégiée liée à une opération financière significative(3).
3.7.1.2Signature de l’accord ferme (Signing)
Lors de la signature par l’émetteur d’un accord ferme portant sur une opération d’acquisition ou de cession, l’émetteur apprécie la nécessité ou l’opportunité d’une communication immédiate au marché au regard du caractère significatif ou non que l’acquisition ou la cession revêt pour lui(4). Il peut également décider de différer cette information, sous réserve de respecter les conditions requises (voir page 21, 2.5 « Obligation de communiquer au marché les “informations privilégiées” »).
Le caractère significatif de l’opération de cession ou d’acquisition, selon le cas, devrait notamment être apprécié au regard de la taille de l’acquisition, des impacts estimés sur l’activité, les résultats et la structure financière de l’émetteur, de l’intérêt (stratégique, financier, commercial et/ou industriel) de l’opération pour l’émetteur, et de la plus ou moins-value réalisée par l’émetteur en cas de cession.
Lorsque l’opération ne revêt pas un caractère significatif pour l’émetteur, une communication au marché peut tout de même être effectuée si l’annonce de l’acquisition correspond à une attente du marché.
L’information du marché s’effectue par la publication d’un communiqué de presse. Dans certains cas, les émetteurs organisent également une réunion d’analystes ou une conférence de presse relative à l’opération concernée.
En pratique, le communiqué de presse diffusé par l’émetteur contient généralement une description de la cible (activités, résultats et perspectives) et les objectifs stratégiques, financiers, commerciaux et/ou industriels poursuivis par l’émetteur dans le cadre de cette acquisition ou de cette cession, selon le cas. Le communiqué de presse présente également les éventuelles conditions suspensives affectant la réalisation de l’opération (autorisations réglementaires et concurrence, etc.) et donne un calendrier indicatif de l’opération (un exemple de communiqué de presse figure en annexe 3 du guide relatif au dépôt de l’information réglementée auprès de l’AMF et à sa diffusion).
S’agissant d’une opération d’acquisition, le communiqué de presse diffusé par l’émetteur indique généralement le prix d’acquisition s’il est significatif et peut, si l’émetteur l’estime utile, indiquer le mode de financement envisagé de l’opération.
Le cas échéant, le communiqué de presse peut également indiquer les impacts comptables de l’opération, les synergies escomptées, l’évolution éventuelle ou le maintien du management de la cible, et décrire les risques spécifiques que présente la cible (tels que les risques environnementaux, les risques sociaux, etc.).
S’agissant d’une opération de cession, le communiqué de presse diffusé par l’émetteur indique généralement la plus-value ou moins-value estimée lorsqu’elle est significative (cette information pouvant toutefois être donnée de manière qualitative et non chiffrée). Il convient de préciser que, dans certains cas, pour des raisons comptables spécifiques tenant à l’actif cédé, cette information peut ne pas être communiquée au marché lorsqu’elle est susceptible d’induire le public en erreur.
En revanche, il est rare en pratique que les émetteurs communiquent au marché une description du contexte de l’opération ou divulguent l’existence d’accords ou d’opérations annexes (tels que des contrats de management, des contrats commerciaux, etc.).
3.7.1.3Réalisation définitive de l’opération
En pratique, les émetteurs procèdent généralement à une communication au marché lors de la réalisation définitive d’une opération d’acquisition ou de cession d’une importance significative sur laquelle ils ont préalablement communiqué, notamment lorsque le contexte de l’opération présentait des risques de non-réalisation dont le marché était informé.
Par ailleurs, l’opération d’acquisition ou de cession entraînera une modification du périmètre de l’émetteur susceptible de donner lieu à une information pro forma dans le cadre de l’information périodique (voir page 48, 3.3.5.3 « Modification du périmètre de l’émetteur (publication d’informations pro forma) »).
3.7.1.4Réalisation ou défaut de réalisation de conditions suspensives affectant l’opération
Lors de la réalisation des conditions suspensives (autorisation des autorités de la concurrence compétentes, autorisations réglementaires, etc.) qui affectent une opération de cession ou d’acquisition sur laquelle l’émetteur a préalablement communiqué, l’émetteur apprécie, au cas par cas, la nécessité ou l’opportunité de communiquer cette information au marché au regard du caractère significatif de ces conditions suspensives pour la réalisation de l’opération.
En cas de défaut de réalisation d’une condition suspensive affectant une opération de cession ou d’acquisition sur laquelle l’émetteur a préalablement communiqué, une communication immédiate au marché est nécessaire lorsque l’absence de réalisation de cette condition suspensive empêche définitivement la réalisation de l’opération.
3.7.1.5Rupture de négociations
En cas de rupture des négociations, une communication immédiate au marché paraît nécessaire si le marché était informé des négociations en cours ; au cas inverse, la communication de l’information au marché ne paraît pas souhaitable, hors cas particuliers(5).
Si l’émetteur communique sur la rupture des négociations, le communiqué de presse publié par l’émetteur rappellera l’objet des négociations. En pratique, il est rare que le communiqué de presse indique le motif exact de la rupture des négociations.
3.7.1.6Cessions et acquisitions d’actifs significatifs
Depuis juin 2015, l’AMF recommande que toute société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé prévoie une consultation de l’Assemblée générale des actionnaires préalablement à la cession, en une ou plusieurs opérations, ou à la conclusion de promesse ou d’option de vente portant sur des actifs représentant au moins la moitié de ses actifs totaux en moyenne sur les deux derniers exercices. Cette consultation des actionnaires est également recommandée dès lors qu’au moins deux des cinq ratios définis par l’AMF dans sa position-recommandation n° 2015-05 atteignent ou dépassent la moitié du montant consolidé de référence pour ce ratio, calculé sur les deux exercices précédents (par exemple, le chiffre d’affaires réalisé par l’actif ou l’activité cédée rapporté au chiffre d’affaires consolidé, ou le prix de cession de l’actif rapporté à la capitalisation boursière du Groupe). Si la société décidait de ne pas appliquer les ratios indiqués précédemment, il lui appartiendrait de justifier son choix, d’indiquer les critères alternatifs retenus et de justifier de leur pertinence.
Le Code AFEP-MEDEF, modifié en dernier lieu en décembre 2022, prévoit qu’en cas d’avis négatif de la part de l’Assemblée générale, le Conseil publie immédiatement sur le site de la société un communiqué sur les suites qu’il entend donner à l’opération.
Par ailleurs, si ces cessions ou acquisitions entrent dans le cycle normal de l’activité des sociétés ayant pour activité principale l’acquisition et la gestion de participations, celles-ci doivent néanmoins expliquer de manière étayée et adaptée à leur situation particulière les raisons pour lesquelles elles estiment qu’écarter cette consultation est conforme à l’intérêt social.
L’AMF et le Code AFEP-MEDEF recommandent également aux dirigeants d’informer les actionnaires et le marché :
- ■de toute cession ou acquisition d’actifs significatifs qui n’est pas nécessairement déterminée par les ratios susmentionnés ;
- ■du contexte et de la négociation de l’accord de cession ou d’acquisition ;
- ■des motifs d’ordre stratégique, économique et financier qui ont conduit à envisager et lancer le processus de cession ;
- ■des étapes successives du processus d’instruction de l’opération mis en œuvre par les organes de la société dans le respect de l’intérêt social.
En cas de cession, devront également être précisés les critères quantitatifs et qualitatifs explicitant les raisons pour lesquelles l’offre a été retenue, et, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les offres concurrentes ont été appréciées et écartées, sous réserve des clauses de confidentialité. En cas d’acquisition d’actifs significatifs, le mode de financement de cette opération devra être détaillé.
3.8Opérations financières
3.8.1Obligations liées à l’offre au public de titres financiers
Constituent une offre au public de titres financiers au sens de l'article 2 d) du Règlement (UE) 2017/1129 du 14 juin 2017, auquel renvoie l’article L. 411-1 du Code monétaire et financier :
- ■la communication adressée à des personnes et présentant une information suffisante sur les conditions de l’offre et sur les titres à offrir, de manière à mettre un investisseur en mesure de décider d’acheter ou de souscrire ces titres financiers ;
- ■le placement de titres financiers par des intermédiaires financiers.
Un certain nombre de dispenses et exemptions à ce régime sont prévues aux articles 1 et 3 du Règlement (UE) 2017/1129, L. 411-2 et L. 411-2-1 du Code monétaire et financier, et 211-2 du Règlement général de l’AMF.
En complément du Règlement (UE) 2017/1129, la Commission européenne a adopté en 2019 deux Règlements délégués qui complètent la réglementation applicable en ce qui concerne :
- ■la forme, le contenu, l’examen et l’approbation des prospectus (Règlement délégué (UE) 2019/980 du 14 mars 2019) ;
- ■les informations financières clés qui doivent être intégrées dans le résumé, la publication et le classement des prospectus, les communications à caractère promotionnel, les suppléments au prospectus, la publication et le portail de notification (Règlement délégué (UE) 2019/979 du 14 mars 2019).
L’ESMA a publié en mars 2021 des orientations relatives aux obligations d’information dans le cadre du Règlement Prospectus(1), lesquelles visent à aider les émetteurs à se conformer aux obligations d’information établies par le Règlement délégué (UE) 2019/980 qui complète le Règlement Prospectus. Elles concernent à la fois la présentation des émetteurs et des titres financiers, objet du prospectus.
Le Guide d’élaboration des prospectus et information à fournir en cas d’offre au public et d’admission de titres financiers regroupe l’ensemble de la réglementation en vigueur ainsi que la doctrine de l’AMF et de l’ESMA applicable(2).
De manière générale, une offre au public de titres financiers nécessite la publication d’un document (prospectus) destiné à l’information du public, portant sur le contenu et les modalités de l’opération qui en fait l’objet, ainsi que sur l’organisation, la situation financière et l’évolution de l’activité de l’émetteur et des garants éventuels des titres financiers qui font l’objet de l’opération. Ce document est rédigé en français ou, dans les cas définis par le Règlement général de l’AMF, dans une autre langue usuelle en matière financière. Il comprend en principe un résumé et doit être accompagné, le cas échéant, d’une traduction du résumé en français.
Le Règlement (UE) 2017/1129 du 14 juin 2017, qui est entré en vigueur le 21 juillet 2019, a notamment pour objectif de rationaliser ce résumé, qui désormais ne doit pas dépasser sept pages de format A4 et peut être augmenté de trois pages supplémentaires pour y substituer de façon identifiée les éléments du DICI (document clé d’information) de la réglementation PRIIPs(3). En outre, le résumé ne peut comporter plus de quinze facteurs de risques, incluant ceux qui sont « spécifiques » à l’émetteur, aux valeurs mobilières et, le cas échéant, au garant, et « les plus pertinents » pour une décision éclairée de l’investisseur.
Les facteurs de risques doivent également être présentés de manière sélective dans le prospectus selon le Règlement Prospectus 3, dont l’un des objectifs était de mettre un terme à une pratique de présentation exhaustive des facteurs de risques qui permettait à l’émetteur de limiter sa responsabilité. Les facteurs de risques doivent ainsi :
- ■être limités aux seuls risques qui sont spécifiques à l’émetteur et/ou aux valeurs mobilières et qui sont importants pour la prise d’une décision d’investissement ;
- ■être hiérarchisés en fonction de leur probabilité de matérialisation et de l’ampleur estimée de leur impact négatif ;
- ■être présentés dans un nombre limité de catégories en fonction de leur nature.
En complément, l’ESMA a publié douze orientations à destination des autorités nationales (dont l’AMF) sur l’intégration des facteurs de risques dans le prospectus des émetteurs(4). Selon ces orientations :
- ■la communication doit permettre d’établir un lien clair et direct entre le facteur de risque et l’émetteur ou les titres ;
- ■cette communication doit faire ressortir l’importance d’un facteur de risque et son impact potentiel ; seuls les risques les plus importants doivent être présentés en premier dans chaque catégorie de facteurs de risques ;
- ■les facteurs de risques doivent être présentés de manière ciblée et concise ;
- ■l’AMF doit vérifier la cohérence d’ensemble de l’information incluse dans le prospectus (importance et spécificité des facteurs de risques) ;
- ■elle doit s’assurer que les facteurs de risques sont présentés dans différentes catégories en fonction de leur nature ;
- ■elle doit également s’assurer, lorsque le prospectus comprend un résumé, de la cohérence entre la présentation des facteurs de risques dans le résumé et le prospectus.
L’ESMA a pour objectif que le nombre de dix catégories et sous-catégories dans le prospectus soit un maximum. Or le nombre total de facteurs de risques mentionnés dans le résumé ne peut pas être supérieur à quinze (article 7, paragraphe 10 du Règlement Prospectus). L’émetteur devra donc d’être attentif à l’articulation entre cette exigence de quinze facteurs de risques maximum dans le résumé et l’exigence de dix catégories et sous-catégories de facteurs de risques maximum dans le corps du prospectus.
L’AMF précise également que seuls les risques spécifiques à l’émetteur et/ou aux valeurs mobilières et qui sont importants pour la prise d’une décision d’investissement doivent être inclus dans le prospectus. Cette « spécification » du risque correspond à une « personnalisation » du risque au périmètre de l’émetteur(5).
Le Règlement (UE) 2017/1129 prévoit également que les émissions secondaires de valeurs mobilières fongibles avec des valeurs mobilières existantes émises précédemment ou de titres autres que de capital par des émetteurs dont les valeurs mobilières sont déjà admises à la négociation sur un marché réglementé depuis au moins dix-huit mois bénéficient d’un régime d’information simplifié et allégé se focalisant sur les informations pertinentes dans le contexte de la nouvelle émission.
Il convient de préciser que le Règlement Prospectus 3 a mis en place également, depuis le 21 juillet 2019, un « document d’enregistrement universel » (Universal registration document – URD), inspiré de l’ancien document de référence français, qui permet au marché de disposer d’une information annuelle complète et aux entreprises de bénéficier d’une procédure accélérée d’approbation (cinq jours) lorsqu’elles intègrent ce document dans un prospectus. Ce document, qui est établi par les émetteurs dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation, doit décrire l’organisation de l’émetteur, son activité, sa situation financière, ses résultats et leurs perspectives, la structure de gouvernance et de l’actionnariat (voir 3.5 « Document d’enregistrement universel »).
En outre, ce même Règlement, dont la majorité des dispositions sont applicables depuis juillet 2019, prévoit l’établissement d’un prospectus simplifié, appelé « prospectus de croissance de l’Union », établi sur la base de versions allégées pour les documents d’enregistrement et les notes d’opérations, et ce sous forme de réponses à un questionnaire standardisé, pour les PME cotées sur les marchés non réglementés (dont les nouveaux « marchés de croissance des PME »)(6) et pour les petites offres de sociétés non cotées.
Le Listing Act, adopté en 2024 et modifiant les Règlements Abus de marché et Prospectus, vise à accroître le nombre d’introductions en Bourse sur les marchés de croissance des PME et à permettre aux émetteurs cotés sur ces marchés d’attirer davantage les investisseurs.
Par exception, certaines dispositions du Règlement (UE) n° 2017/1129 relatives aux cas de dispense à l’obligation d’établir un prospectus s’appliquent depuis le 20 juillet 2017(7).
En outre, des dispositions relatives aux seuils nationaux en dessous desquels une offre au public n’est pas soumise à l’établissement d’un prospectus sont entrées en vigueur le 21 juillet 2018 :
- ■relèvement du seuil de déclenchement de l’obligation d’établir un prospectus en cas d’offre au public à 8 millions d’euros (contre 5 millions d’euros auparavant) sur douze mois(8) ;
- ■création, pour les offres « directes » de titres non cotés non soumises au prospectus, d’un régime d’information ad hoc reposant sur un document d’information simplifié(9). Une instruction de l’AMF précise les modalités (i) de présentation de ces informations sous la forme d’un document d’information synthétique, ou « DIS », dont le modèle est présenté en annexe 2 ; (ii) de transmission de ce document aux investisseurs et son accessibilité sur le site Internet éventuel de l’émetteur ; et (iii) de dépôt de ce document à l’AMF par courriel(10). Les émetteurs doivent déposer ce DIS (et l’ensemble de la communication à caractère promotionnel), préalablement au début de l’offre, sous un format électronique consultable par courrier électronique à l’adresse depotdis@amf-france.org.
Depuis l’entrée en vigueur, le 25 mars 2016, du Règlement délégué (UE) 2016/301 de la Commission du 30 novembre 2015(11), les prospectus et les pièces jointes, ou tous les autres documents établis en dispense de prospectus, doivent être déposés sous format électronique. À cet égard, l’instruction AMF n° 2019-21 relative aux modalités de dépôt et de publication du prospectus et mise à jour le 29 avril 2021 fixe un cadre pour le dépôt électronique des documents d’enregistrement universels et des pièces et mises à jour qui s’y rapportent. Le dépôt du prospectus se fait sur un extranet (« ONDE »).
Notons que l’ESMA a récemment publié un communiqué concernant les informations extra-financières à publier dans le cadre de prospectus(12) sur le fondement de l’article 6, § 1 du Règlement prospectus indiquant que ce dernier doit inclure toute information nécessaire et pertinente. Les informations à publier seront ainsi fondées sur la « matérialité financière ». Les informations publiées au titre du reporting de durabilité (dans la DPEF ou, dans à compter de l’entrée en vigueur de la CSRD, dans le rapport de durabilité) ne seront ainsi reprises que si elles revêtent un caractère significatif pour un investisseur.
Pratiques au quotidien de l’Investor Relations
4.1Marketing financier et ciblage
4.1.1Stratégie marketing
Le rôle de l’Investor Relations ne se limite pas à diffuser, à intervalles réguliers et conformément à la réglementation, une information chiffrée. Il doit également s’efforcer d’identifier, le plus finement possible, son actionnariat puis, par une bonne compréhension du fonctionnement des marchés financiers et sa propre connaissance des différents acteurs, être en mesure d’identifier quels seraient les investisseurs les plus en adéquation avec la stratégie de l’entreprise – toute modification de cette stratégie entraînant, bien entendu, la réorientation du ciblage de ceux-ci. Cette démarche doit s’inscrire dans le cadre d’une stratégie marketing proactive, qui intègre également les sollicitations de la part des investisseurs et qui vise généralement :
- ■à diversifier leur profil chez l’émetteur, qu’il s’agisse du montant de capitaux qu’ils gèrent, de leur stratégie de gestion ou de leur origine géographique ;
- ■à équilibrer la part des actionnaires stables et ceux dont l’horizon d’investissement est à plus court terme afin de contribuer à la liquidité de l’action ;
- ■à accompagner les développements stratégiques (cession ou acquisition de branches, diversifications, montée en puissance d’une activité pouvant influer sur la valorisation de l’entreprise, etc.) pour adapter le profil d’investisseur souhaité ;
- ■à anticiper des modifications d’actionnariat qui pourraient affecter l’évolution de l’entreprise.
Ceci étant, le déploiement d’une véritable stratégie marketing est intrinsèquement lié à la taille de l’émetteur et à l’importance de son flottant ; en interne, ces deux éléments conditionnent souvent les ressources allouées à l’Investor Relations (taille de l’équipe, budget, etc.) ainsi que la disponibilité du management pour rencontrer la communauté financière (fréquence des rencontres, niveau des interlocuteurs, etc.) ; à l’externe, et d’autant plus dans le contexte de MiFID 2(1), ces facteurs influenceront largement la couverture du titre par les analystes, c’est-à-dire le nombre de bureaux de recherche et sociétés de Bourse suivant la valeur ainsi que la qualité de ce suivi. En effet, certaines valeurs dont la capitalisation est jugée trop faible pour être rentable sont suivies, dans le meilleur des cas, par des analystes généralistes et non des spécialistes du secteur. Dans une entreprise small cap, l’implication des dirigeants est plus importante car les investisseurs souhaitent les rencontrer directement. Enfin, les « petites » valeurs sont moins susceptibles d’attirer l’intérêt d’investisseurs étrangers, qui se limitent souvent à un suivi des grandes valeurs présentes dans les indices phares, à l’exception des entreprises leaders de leur marché ou présentes sur des niches suscitant un intérêt particulier, telles que les nouvelles technologies.
4.2Relations avec les analystes et les investisseurs institutionnels
4.2.1Entretiens téléphoniques
Les analystes contactent fréquemment les émetteurs afin d’affiner leurs modèles de valorisation, de vérifier une hypothèse, de réagir à l’actualité, notamment en comparant les sociétés d’un même secteur d’activité. Une démarche identique est entreprise par l’investisseur, souvent moins soucieux de remplir un modèle que de s’assurer de sa bonne compréhension des objectifs stratégiques de l’émetteur.
4.3Relations avec les actionnaires individuels
4.3.1Communication dédiée
Les relations avec les actionnaires individuels reposent sur des supports de communication appropriés, qui se caractérisent par le caractère pédagogique de la présentation des métiers et de la stratégie de l’entreprise. En effet, bien que la démocratisation de l’investissement en actions et l’accélération de l’utilisation d’Internet fassent converger les besoins des analystes et ceux des actionnaires particuliers, certains outils de communication financière sont particulièrement adaptés aux actionnaires individuels : section dédiée du site Internet, lettre aux actionnaires ou webzine (support de communication digital dont l’objectif est d’informer de manière pédagogique les actionnaires individuels sur les grands événements de la société, sa stratégie, ses résultats commerciaux, financiers, boursiers, ses nouveaux produits. Sa périodicité est variable, généralement semestrielle), guide de l’actionnaire, publicité financière, réunions périodiques, éventuellement visites de sites, prise en charge du service des titres, etc.
Dans tous les cas, l’actionnaire individuel attend une relation personnalisée et de qualité, qu’il soit au nominatif pur, administré ou au porteur.
Par ailleurs, en novembre 2015, l’AMF a formulé des recommandations pour la protection des actionnaires individuels(1), rappelant que les sociétés :
- ■qui souhaitent présenter leurs atouts différenciants en tant qu’investissement financier doivent mentionner dans le même document un renvoi clair et lisible vers la présentation de leurs facteurs de risques afin d’assurer une présentation équilibrée de l’information ;
- ■qui initient des campagnes publicitaires de promotion de leurs titres en dehors de toute période d’information financière doivent rappeler systématiquement l’existence de leur URD (ou rapport financier annuel), en précisant où il est consultable, et d’attirer l’attention du public sur les facteurs de risques qui y sont mentionnés ;
- ■qui proposent une détention des titres au nominatif doivent veiller à fournir, lors de la présentation des différents modes de détention de leurs titres, des informations sur les frais liés à la détention des titres au nominatif pur (droits de garde, frais de gestion, frais de courtage) dans le même document ou dans la même rubrique du site Internet.
Le nombre des investisseurs individuels, qui avait cru fortement durant la crise sanitaire, a diminué depuis ; on constate cependant l'arrivée régulière de nouveaux investisseurs particuliers et une activité accrue de leur part(2).
4.4Communication financière et numérique
4.4.1Conférences téléphoniques via Internet (conference calls) et vidéoconférences
À l’occasion d’une annonce importante, notamment des résultats ou le lancement d’une opération financière, les conférences téléphoniques (voire les vidéoconférences), le cas échéant retransmises sur Internet (voir infra), permettent de communiquer rapidement l’information de manière simultanée à un grand nombre de personnes sans qu’elles aient à se déplacer, ce qui minimise les coûts et les temps de transport et permet de gérer les contraintes liées au décalage horaire (voir page 41, 3.3.2.3 « Réunions d'information »).
En diffusant au plus vite des informations plus détaillées et en étant à la disposition des analystes et des investisseurs pour répondre à leurs questions en une seule fois, ce mode de communication complète et, parfois même, se substitue à une réunion physique.
Ces conférences sont accessibles à tous et elles sont annoncées par un communiqué de presse ; leur tenue est indiquée sur le site Internet de la société, avec un préavis suffisant. Elles sont archivées à la disposition du public, notamment de la communauté financière internationale travaillant sur des fuseaux horaires différents, et restent consultables pendant un certain délai après l’événement. Elles se tiennent généralement en anglais.
Les vidéoconférences peuvent également être utilisées pour tenir des one-on-one entre le management et un investisseur à l’étranger, optimiser une réunion d’analystes avec une participation physique sur un site et une vidéoconférence sur un autre, etc. Elles s’organisent facilement grâce à l’équipement dont dispose la société ou bien en le louant auprès d’un prestataire spécialisé qui veillera à la qualité technique de la réunion. Les réunions physiques demeurent toutefois importantes, en particulier lors d’un premier contact avec un investisseur ou un analyste.
4.5Coordination des contenus et des messages
4.5.1Cohérence de toutes les communications de l’entreprise
Pour respecter les contraintes réglementaires en matière d’information financière et optimiser la perception de l’entreprise, la communication financière doit s’assurer en permanence de la cohérence des messages avec la communication institutionnelle (notamment les relations presse et la communication interne), mais également avec d’autres interlocuteurs internes, qu’ils soient en charge de la responsabilité sociale, sociétale et environnementale, des ressources humaines, voire du marketing produits. Enfin, il paraît impératif que les supports de communication financière soient établis en étroite collaboration avec la Direction juridique et, le cas échéant, le Secrétariat général.
L’émergence des réseaux sociaux a accentué la vitesse de circulation de tout type d’information – qui touche en particulier à la réputation de la société ou de la marque – et renforce le besoin de coordination des différentes formes de communication.
En pratique, pour faciliter les échanges, l’Investor Relations doit sensibiliser l’ensemble de ses interlocuteurs en interne sur le sens de sa mission, sur la réglementation, et en particulier sur le traitement de l’information privilégiée, ce qui nécessite une organisation via des processus établis et connus des Directions fonctionnelles et opérationnelles (voir page 35, 3.2 « Organisation dans l'entreprise »).
D’une manière générale, l’Investor Relations doit être informé de tout événement concernant le Groupe, voire y participer dans la mesure du possible ; en effet, l’information divulguée lors de ces événements peut être susceptible d’influer sur le cours de l’action : voyage ou conférence de presse, participation à des conférences sectorielles ou salons professionnels, risque de crise concernant l’entreprise, son secteur ou un pays dans lequel elle est implantée, etc.
4.6Remontée de la perception du marché dans l’entreprise
4.6.1Appréciation du sentiment de marché
Le sentiment du marché correspond au regard porté par les investisseurs et analystes sur la stratégie, les activités, la performance et les perspectives de l’entreprise ainsi que sur la crédibilité du management.
L’Investor Relations a un rôle clé à jouer dans la remontée de cette perception auprès de ses dirigeants. En particulier, il sait reconnaître lorsque les opinions individuelles des analystes ou investisseurs deviennent une impression générale partagée, au travers de contacts divers (téléphone, roadshow, emails, publication de notes sectorielles) dont il convient d’informer la Direction générale, voire le Conseil d’administration ou de surveillance.
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